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E comme Enseignement

La Bretagne faisait partie d’un grand croissant atlantique de l’ignorance, qui évitant les Charentes, englobait avec elle les régions ligériennes, une grande partie du Massif central et s’étendait jusqu’aux Landes aquitaines.
Au 19ème siècle, la Bretagne est en dessous de la moyenne en ce qui concerne l’alphabétisation. Et ce retard se maintient : en 1910, 29% des habitants du Morbihan sont analphabètes.  Il n’y a que trois autres départements français, la Vendée, la Vienne et l’Indre, à être si mauvais.
Dans cette situation, ce sont les femmes qui sont les plus à plaindre ; elles sont jusqu’à deux fois moins éduquées que les garçons ! 
 De petites écoles sont présentes dans les villes et les plus gros bourgs, sous la tutelle de l’église. Pour les filles, au 17ème siècle, de nouveaux ordres et congrégations se chargent de cette mission ; les Ursulines, les Filles de la Sagesse et les Filles du Saint Esprit sont les plus connues.

Avec la création en 1831 de la première école normale de Bretagne, puis grâce aux grandes lois scolaires de Guizot et de Ferry, l’enseignement public se développe.  Mais sans faire disparaître, au contraire, les écoles privées.
Car c’est bien l’une des grandes particularités bretonnes ; ici les écoles privées sont restées nombreuses et dynamiques. Occasionnant parfois quelques frictions, entre l’école rouge, celle du « Diable », et l’école libre, celle des curés. Aujourd’hui encore, 40 % des élèves bretons suivent leur scolarité dans une école catholique. La moyenne nationale n’est que de 20 %.


Cette concurrence est une des raisons apportée à la réussite scolaire bretonne. Car oui, on peut désormais parler de la région d’excellence. De territoire le plus analphabète de France, la Bretagne s’est transformée depuis quelques décennies en meilleure de la classe.

La formation des maîtres d’école, la mixité, les écoles privées et les écoles publiques… Du 19ème siècle à aujourd’hui, les écoles s’organisent.
En Bretagne, comme ailleurs, les instituteurs de la IIIème République sont de véritables missionnaires laïques, au statut respecté mais vivant pourtant dans un certain dénuement.
Des jeunes gens issus pour la plupart de milieux modestes, dont la profession représentait une ascension sociale, inespérée, mais aussi une forme de sacerdoce laïque.
Malgré leur situation matérielle médiocre, les maîtres d’école font partie de la petite bourgeoisie de la commune.

Pendant longtemps, l’éducation des filles n’a pas été une priorité. Mais les lois Ferry obligent à scolariser tous les enfants. Garçons et Filles resteront pourtant séparés dans la plupart des écoles jusqu’en 1975.
On admettait, faute de mieux, les filles pour remplir les classes uniques dans les petites communes bien que ce soit très mal vu.
La mixité s’est introduite malgré elle, davantage pour des raisons économiques et pratiques que pour des choix éducatifs et pédagogiques.

A leur création, les écoles sont aussi des instruments de lutte contre les langues régionales comme le breton. Aujourd’hui pourtant, cette langue est enseignée dans de nombreux établissements de la région.
Depuis la Révolution, l’existence de langues autres que le français sur le territoire national est vécue comme un danger pour l’unité de la France. Le rôle de l’école va être non seulement d’apprendre le français à tous les citoyens, mais de leur faire abandonner leur langue maternelle. Jusqu’aux années 1950 en Bretagne, les enfants étaient donc punis pour avoir osé parler leur langue.
Il faut rappeler qu’au début du 20ème siècle, on estime que le breton est la langue des trois quarts des habitants de Basse Bretagne. La moitié d’entre eux ne connaît même pas le français.
 
Ces enfants arrivaient donc en classe, à l’âge de 5 ans, sans maîtriser la langue de l’enseignant, mais ayant interdiction d’utiliser la leur. Interdit dans la classe, le breton l’est aussi dans la cour de récréation.
« Nous ne savions pas comment demander en français, alors… on faisait dans les culottes »
Les punitions pleuvaient. Et c’était bien souvent sur le mode de l’humiliation qu’elles étaient déclinées. On incitait les autres à se moquer de ceux qui employaient des mots en breton.
Le « symbole », cet objet infamant donné à un enfant surpris à parler breton aura marqué des générations d’écoliers. En discréditant leur langue à leurs propres yeux, c’est aussi leur milieu familial, leur environnement qu’on dévalorisait.
 











La mémoire du « symbole » demeure douloureuse. Les objets eux-mêmes ont disparu ; de peu de valeur et porteurs de honte, on s’en est débarrassé et aucun n’a été conservé. Restent les témoignages patiemment recueillis notamment par le musée de l’école de Bothoa.
Les punitions disparaitront progressivement perdant leur raison d’être à mesure que l’usage du breton dans les familles recule.

Depuis la création des écoles Diwan en 1977, puis celles des filières bilingues dans les écoles publiques et privées catholiques, il est possible de recevoir un enseignement en breton. Mais la situation de la langue reste précaire et moins de 3% des écoliers bretons en bénéficient.

Sur la commune de Saint Nicolas du Pélem, dans le centre Bretagne, le musée de l’école de Bothoa propose de revivre la journée d’un écolier de 1930, dans un décor préservé. Véritable conservatoire du patrimoine scolaire, il collecte et met en valeur tout ce qui a trait à l’histoire de l ‘école.

Du matin au soir, on vous propose de revivre ce qui était le quotidien des enfants des campagnes bretonnes, il y a 80 ans.
Arrivée par les chemins creux et boueux, on commence par trois kilomètres de marche, entre les talus et les flaques d’eau. Accueil par le maître d’école en blouse grise ; attention au coup de sifflet, il s’agit de se mettre en rang et de ne pas moufter ! Puis leçon de morale, et écriture à la plume.



A midi soupe au pain et pain-beurre au café du bourg. L’après midi, divers ateliers sont proposés, sur les vêtements, sur les jeux et jouets buissonniers.

Aux portes de la presqu’ile de Crozon, à Tragarvan, se trouve un autre musée consacré à l’école, ouvert depuis 1977. Il est situé dans les locaux de l’ancienne école communale et propose des expositions et des animations. Le visiteur est invité à une plongée dans l’épopée de la scolarisation des campagnes du Finistère et de Bretagne, depuis les idéaux révolutionnaires, encore bien éloignés des réalités locales, jusqu’aux fermetures d’écoles rurales dans les années 1970. Deux salles de classe sont aussi reconstituées, l’une de 1910 et l’autre de 1970.

Sources ; texte et images ; « L’histoire de l’Ecole en Bretagne » BRETONS MAGAZINE Hors Série n° 26.
Et La Classe manuelle. Ecole de petites filles (Finistère). Richard HALL (1860 - 1942) Musée des beaux-arts de Rennes, Dist. RMN-Grand Palais / Adélaïde Beaudoin




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