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O comme Obsèques

Aux siècles derniers, en Bretagne, la mort est l’affaire de tous.  C’est un moment crucial dans la vie d’un hameau, d’un village, d’une communauté.



Lorsque disparait l’un des siens, la famille cherche à resserrer les liens qui l’attachent. Les comportements des uns et des autres sont dictés par la tradition « ne pas donner prise à la rumeur publique, faire les choses comme il faut, comme l’aurait souhaité le défunt ».





En général, la mort était précédée des derniers sacrements de l’église. La famille et les voisins se rassemblaient pour réciter en commun et à haute voix la prière des agonisants. A côté du mort étaient placées une croix et une bougie, et à ses pieds une assiette remplie d’eau bénite et une branche de laurier ou de buis le jour des Rameaux.

Le recteur était le premier averti du décès et faisait immédiatement sonner le glas. Le clocheteur ou la prieuse passait dans toutes les maisons du bourg pour annoncer le défunt et disait « aet eo en tu all da vro ar bara » (il est parti de l’autre côté du pays du pain).



Toute la paroisse participait à la veillée mortuaire qui était quelquefois organisée par « quart ».

 




Et pour affirmer que la vie reprenait le dessus, on y mangeait, on y buvait. La prière semblait remplacer les contes.




Il y a dans chaque village une femme « grassaouerez » dont la spécialité est de dire les prières en commun, qui vient pendant la veillée, autrefois même pendant l’agonie. Elle tient en quelque sorte, le rôle de ces pleureuses que l’on trouvait autrefois en Irlande.

La mort en Bretagne donnait lieu à des rites ancestraux antérieurs au christianisme.
On annonce même la mauvaise nouvelle aux abeilles. Lorsque le chef de famille vient de décéder, la première chose à faire s’il y a des ruches dans le courtil, c’est de les mettre en deuil, en épinglant des lambeaux d’étoffe noire dans la paille ou de recouvrir les ruches d’un drap blanc. Si l’on omettait cette précaution, toutes les abeilles mouraient, et, les ruches une fois vides, le malheur ne tarderait pas à vider aussi la maison.
On mettait une pièce de monnaie dans la main du mort afin qu’il ne manque de rien dans l’au-delà.
On vidait les récipients contenant de l’eau pour éviter que son âme s’y noie, on couvrait les miroirs de crainte qu’elle ne s’y heurte, on rangeait les écheveaux de peur qu’elle ne s’y emmêle et l’on ne cousait surtout pas le linceul afin que le défunt puisse en sortir le jour du Jugement dernier.

La mise en bière faite, le cercueil était placé sur un char à banc ou porté à bras. Le cortège se formait, les parents en dernier, les femmes en manteaux et coiffes de deuil.
Au début du siècle encore, il était d’usage dans le Vannetais de payer des pleureurs ou des pleureuses professionnels qui suivaient les cortèges funèbres, vêtus des vêtements du défunt qui leur étaient donnés.


Dans le Vannetais, les paysans et les pêcheurs gardaient aux défunts un souvenir d’autant plus inaltérable que personne ne peut croire à la mort définitive. Il est admis que les trépassés reviennent, qu’ils évoluent parmi les travaux de leurs descendants, qu’ils se promènent dans les maisons, en un mot qu’ils vivent d’une existence mystérieuse et certaine. Cette croyance influe sur les décisions des vivants qui n’oseraient rien entreprendre qu’ils ne croient approuvé de leurs ancêtres.

L'Ankou est la personnification de la mort en Basse-Bretagne, son serviteur (obererour ar maro). C'est un personnage de premier plan dans la mythologie bretonne, revenant souvent dans la tradition orale et les contes bretons. L'Ankou est parfois — à tort — confondu avec le diable, très présent aussi dans la mythologie bretonne.
Son rôle est de collecter dans sa charrette grinçante (karr / karrik an Ankoù, char de l'Ankou ou karrigell, brouette) les âmes des défunts récents. Remplissant ainsi un rôle de « passeur d'âmes », l'Ankou est à considérer comme une entité psychopompe.
Lorsqu'un vivant entend le bruit de la charrette (wig ha wag !), c'est qu'il (ou selon une autre version, quelqu'un de son entourage) ne va pas tarder à passer de vie à trépas. On dit aussi que celui qui aperçoit l'Ankou meurt dans l'année.

La mort est un passage symbolique qui ouvre une porte imaginaire pour les uns, initiatique pour les autres. Les rites de la veillée, la toilette, la cérémonie religieuse, le cortège funèbre, le repas de funérailles, sont autant de pratique qui permettent de surmonter le déferlement des émotions. Ce sont des rites de passage à l’instar de deux autres étapes de la vie ; la naissance et le mariage.
 
Sources  textes et images
Voyage dans l’au-delà – « les Bretons et la Mort » de Bernard Rio (Editions Ouest France 2013)
Veillées mortuaires, rites funéraires en Bretagne et en Irlande aux XIXè et XXème siècles de Daniel GIRAUDIN – parue dans la revue « Mythologie française – bulletin trimestriel de la Société de Mythologie française 2010.
Wikipédia
Bretagne insolite au début du siècle – Marie France Motrot Editions l’Ancre de Marine.
Charles COTTET (Le Puy (Haute-Loire), 1863 - Paris, 1925) Enterrement breton ou Femmes en prière – Deuil à Ouessant – Le repas des adieux – Estampe « Douleur »
La Légende de la Mort – Anatole Braz










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