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Prisonnier de Guerre 14/18

« L’imaginaire de la première guerre mondiale
s’embarrasse peu des prisonniers !
Le relatif oubli du prisonnier de guerre français n’est pas récent.
Au lendemain du conflit, les contemporains tentèrent de masquer cette réalité en valorisant d’autres figures cardinales.
Certains magnifièrent le Poilu, un héros auteur de hauts faits d’armes, pendant que d’autres insistaient sur le sacrifice de toute une génération, dans un culte exclusif des victimes du conflit.
Parti dans l’anonymat de la guerre de masse, oublié dans les camps allemands, rentré au pays dans cette ambiance
paroxystique de deuil patriotique,
le prisonnier de guerre ne pouvait légitimement
trouver sa place dans cette société.
Il allait errer dans ce monde de l’entre deux guerres d’abord,
puis dans les mémoires, sans aucune reconnaissance de sa souffrance… »


Charles LEMESRE voit le jour le 17 juillet 1878 à 5 heures du matin à Lille. Il est le fils de Charles Joseph LEMESRE, menuisier, et d’Euphémie DENNEULIN





Charles grandit et devient zingueur, puis chaudronnier. Il s’unit le 22 octobre 1904 à Lille avec Anna Matont.






Charles a les cheveux, les yeux et sourcils châtains, le front ordinaire, un petit nez, une bouche assez grande, un menton rond, un visage ovale. Il mesure 1,62m.

Il arrive le 15 novembre 1899 comme soldat de 2ème classe au 147ème régiment d’infanterie. Il passe en soldat 1ère classe le 28 juillet 1900.

Comme beaucoup d’hommes, il est appelé pour la mobilisation générale le 3 aout 1914.


Il est affecté au 2ème régiment territorial d’infanterie.

Le 2ème régiment d’infanterie territoriale fait partie des troupes de la défense du camp retranché de Maubeuge, sous les ordres du Général Fournier, Gouverneur.

Mobilisé le 3 août 1914 à Valenciennes et à Condé sur Escaut, il est transporté dans la nuit du 4 au 5 à Maubeuge, à l’effectif de 4192 hommes – 4 bataillons répartis.

Nous sommes le 25 août 1914, l’avancée allemande en Belgique se poursuit. Les alliés se replient, le 27 août, plus de 40 000 soldats allemands encerclent la place.  Le 7 septembre le drapeau blanc est hissé, le 8, la reddition est officielle.


De longues colonnes de soldats français sortent de Maubeuge, sans armes, défilant devant les allemands. Certains se retournent pour apercevoir une dernière fois la ville qu’ils n’ont pu sauver. 


Ils continuent leurs marches vers le nord, vers la Belgique, vers les prisons allemandes qui vont se refermer sur eux durant plus de quatre années.

Liste de prisonniers au camp de Friedrichsfeld
Charles a été fait prisonnier le 8 septembre 1914, et a séjourné aux camps de Friedrichsfeld, de Senne, puis à Münster.


Liste de prisonniers au camp de Münster






 

















Charles et Anna correspondent pendant ces années de captivité, ainsi qu’en témoignent les documents ci-après,








Charles au camp de Friedrichsfeld

 




Quatre ans plus tard, le 11 novembre 1918, l’armistice est signée entre Français et Allemands. Une clause du traité stipule que les prisonniers de guerre doivent être rapatriés immédiatement.

Il y a autour de 500 000 prisonniers à rapatrier par mer, ou par voie ferrée.  Les prisonniers détenus dans le sud de l’Allemagne rentrent  en France à bord de trains, via la Suisse ou l’Italie, ceux d’Allemagne septentrionale et centrale sont regroupés le long des fleuves puis transportés par bateaux, d’autres encore rentrent à pied en passant par la zone des Armées. Tout est terminé en 1919.


A leur retour, les prisonniers sont très vite confrontés à l’héroisation du « Poilu des Tranchées » qui a défendu la patrie au péril de sa vie, alors qu’eux étaient détenus en Allemagne après avoir été capturés dans des conditions que beaucoup considèrent alors comme suspectes.


Pour les soldats faits prisonniers à Maubeuge en septembre 14, la comparaison qui est faite avec la capitulation du Maréchal Bazaine à Metz, le 27 octobre 1870, lors de la guerre franco prussienne, est assurément un fardeau lourd à porter.

Le retour dans la mère patrie réserve à nos prisonniers une bien mauvaise surprise puisqu’ils sont dirigés vers des camps militaires afin d’y épuiser un congé de fin de campagne dont ils ne comprennent pas la finalité.
Cantonnés dans des casernements souvent en mauvais état, désoeuvrés, ils attendent plusieurs semaines avant d’être interrogés sur leur temps de captivité.



Charles est rapatrié le 23 décembre 1918, mais n’est démobilisé que le 24 Mars 1919. Enfin libre de ses mouvements il peut rejoindre son foyer ou l’attendent Anna et ses deux fils Alfred né en 1905 et Marcel né en 1911








L’écriture de cet article m’a fait découvrir un univers que je ne connaissais pas ou peu. J’ai lu plusieurs documents sur la bataille de Maubeuge, sur les camps de prisonniers, sur la vie de ceux-ci pendant 4 ans.

Des milliers de Poilus on donné leur vie pour la patrie, d’autres leurs jambes leurs bras, leur visage.
Les prisonniers, eux, s’ils ne sont pas des déserteurs, ils apparaissent aux yeux de la population comme  des embusqués qui ont passé la guerre tranquillement derrière les barbelés.
A ce soupçon, difficile à digérer pour ceux qui ont connu l’enfermement, s’ajoutent de petites humiliations. Les militaires décédés en Allemagne n’ont pas droit à la mention « Mort pour la France », ni à la médaille interalliée créée en 1920. Enfin leur prime de démobilisation est inférieure à celle perçue par les combattants. Même si cette discrimination sera rapportée dès 1922, il n’en reste pas moins que les anciens prisonniers sont amers. Non les camps allemands n’étaient pas des camps de vacances !

Les anciens prisonniers formeront des associations d’anciens combattants indépendantes et n’auront de cesse de réclamer qu’on reconnaisse leur souffrance. Mais entre le Poilu héroisé et le prisonnier dévalorisé, ils avaient fort à faire ; en 1931, encore, le général Hirschauer continue d’opposer les uns aux autres à la tribune du Sénat, en considérant que « si misérable qu’ait été l’existence des prisonniers, peut-on la comparer à celles des soldats, qui étaient au front, les pieds dans la boue,la tête dans le feu ? ». Le général oublie que les prisonniers ont connu le feu…. Sans quoi ils n’auraient pas été faits prisonniers.

Tout cela m’a donné envie d’aller plus loin, et de vous raconter l’histoire de Charles et sa drôle de guerre de façon plus précise.

Je reprendrai donc la vie de Charles dans un autre article que je vais m’empresser d’écrire, mais cette fois-ci en dehors du Challenge AZ.
A très bientôt donc !

Sources – photos de famille avec l’autorisation d’Albert, documents « La Guerre de Jules » avec l’aimable autorisation de Szczerba André, Site http://chtimiste.com/, forum 14/18 http://pages14-18.mesdiscussions.net/ , archives départementales du Nord, groupes de Facebook
Livre « Prisonniers 1914-1918 » de Jean-Paul Briastre Editions Sutton,
Livre « La Grande Guerre à travers la carte postale » de Jean-Yves Le Naour Editions HC.




4 commentaires:

  1. Superbe présentation
    Langue précise et agréable
    Point de vue très intéressant
    Merci pour ce billet

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  2. Camp de Senne et Munster : Charles a côtoyé Louis Lognon ? Son carnet est retranscrit sur le site Chtimiste.

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    1. Merci, je vais regarder. Je ne sais pas s'ils se sont côtoyés ? je dois écrire plus longuement sur Charles et sa drôle de guerre, je pourrais m'inspirer du carnet de Louis Lognon. Etes-vous l'un de ses descendants ?

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