#challengeAZ - L




LETTRE DE DENONCIATION


 






«L’Herbergement, le 10 janvier 1941,

Monsieur le Feldkommandant,

Excusez-moi de ne pas traduire ma lettre en Allemand, car je ne connais cette langue.

Je viens vous signaler qu’un jeune homme de L’Herbergement prisonnier dans un camp avait réussi à s’évader de ce camp. De plus pour se mettre à couvert, il s’est fait démobiliser en zone non occupée, ayant franchi la ligne de démarcation de nuit habillé en civil. 

Cet ex prisonnier est revenu  chez lui, il s’est venté à plusieurs reprises d’avoir pu s’échapper à la  barbe des sentinelles allemandes. En outre, il raconte les soi disant  mauvais traitements que les Allemands infligent aux prisonniers Français. De ce fait il nuit aux intérêts de l’armée  allemande.

Une sanction sévère s’impose. On doit mettre à nouveau « cet ex prisonnier dans un camp.

La, il ne pourra nuire, il ne mérite que cela. Si vous voulez des preuves, allez à l’Herbergement. Tous les gars du pays savent ce qui s’est passé.  Certainement l’intéressé niera son évasion, mais il s’est bien évadé. La famille ayant reçu des cartes provenant d’un camp de  prisonniers.


Voici l’adresse  de cet ex prisonnier « Monsieur DAVID Clément,  Le  Bois Chollet, L’Herbergement (Vendée).
L’Herbergement se trouve sur la route de Montaigu à la Roche sur Yon.
Veuillez agréer, Monsieur le Feldkommandant, mes salutations empressées. »
Lettre non signée.


Et comme de bien entendu, un matin les Allemands déboulent à la maison de Clément. « Vous, Prisonnier Evadé…… »

Clément nie, montre ses papiers, les Allemands vérifient et finissent par le laisser tranquille. Ouf, il a eu chaud, heureusement ce n’était pas la Gestapo, et les Allemands étaient de bon poil, tout leur souriait à ce moment là.

**********

Clément DAVID a effectivement été fait prisonnier le 9 juin 1940 au TRICOT (Environs de Montdidier). Il est gardé à CAMBRAI jusqu’au 15 juillet 1940.



Détenu ensuite à LE CATEAU CAMBRESIS le 8 octobre 1940, le commandant allemand réunit les prisonniers français (1200 hommes) à la Mairie de BEAUMONT EN CAMBRESIS en vue de leur départ pour l’Allemagne.


Clément décide aussitôt avec un copain de la Copechagnaire, de s’échapper. Trompant la vigilance des gardiens, ils se sauvent à travers champs en se cachant. Ils marchent un jour et une nuit et rejoignent une gare où un mécanicien les fait monter dans son train à charbon, les cachant dans le tender. 

Ils arrivent à l’Herbergement et la Copechagnaire après 6 jours de cavale, le problème est qu’ils n’ont pas leurs papiers de démobilisation prouvant qu’ils n’ont pas été faits prisonniers, mais libérés par l’Armistice de Pétain.



 
Ils vont donc aller en zone libre passer l’Isle à Montpont Menesterol pour avoir des papiers les libérant de leurs obligations militaires et les dédouanant de leur captivité. Ils sont aidés dans leur périple par des cousins de Clément qui habitaient vers Périgueux. 





Bien entendu, tout se sait, et ils racontent leur histoire aux copains, qui le disent à d’autres, et c’est ainsi que certains plus mal intentionnés que d’autres écrivent des lettres de dénonciations.

Cela a été chose très courante en 39/45 malheureusement.
En 1945, les FFI s’emparent de la Kommandantur de la ROCHE SUR YON, et découvrent moult papiers dont la fameuse lettre de dénonciation faite à l’encontre de Clément.

Ils la lui donnent, les FFI veulent trouver le coupable, c’était le temps de la chasse aux collabos.

 


Clément s’y est toujours opposé, craignant de découvrir quelqu’un qu’il connaissait trop bien et qui aurait été fusillé.

C’est tout à son honneur !









Les Français ont massivement dénoncé sous lʼOccupation. Loin dʼêtre cachée, loin dʼêtre un acte individuel honteux, la délation est un acte social, un devoir. Si tout le monde est concerné, ennemis de l’état, communistes, résistants, gaullistes,… la dénonciation antisémite reste sans aucun doute la plus redoutable. Elle représente 15% des actes de dénonciation mais chaque lettre, chaque information est immédiatement vérifiée et le dénoncé traqué.
D’après l’ouvrage La Délation dans la France des Années Noires (sous la direction de Laurent Joly, Perrin, Avril 2012

Loi du 25 octobre 1941 votée par le gouvernement de Vichy fait
de la dénonciation une "obligation légale".
 






Sources familiales – Lettre de dénonciation et récit envoyés par le fils de Clément DAVID, cousin de ma Maman

2 commentaires:

  1. Pas très joli, tout ça... En tout cas merci pour ce passionnant article !

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  2. Merci ! effectivement pas très joli, mais c'était une autre époque !

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